Barque ancrée dans la brume

Reflets sur la mer, plage des Aresquiers
24 juillet 2005

6 heures 21

Au-dessus des tamaris
ciel pommelé rose de gris
entrefilet de rouge tamisé
sur la mer gris luminescent
ciel nuancé de gris silencieux
vagues gris acier
vent de la mer moite et frais

se répand une clarté brumeuse
rayée d’une fumée jaune d’avion
au loin un bateau noir
sur le sable mouillé de gris
pointent des cannes à pêche
froid mou sur ma poitrine
frissons aux jambes

au milieu des nues de nuages éteints
vacille un foyer de cendres vives
un bouquet de pétales orangés
flambe sur ma tête

une lumière rougeâtre gonflée
cligne de l’œil flou parmi les nuages
me fait penser à la lune
je me retourne et la vraie lune
mollie me regarde de travers
m’a fait passer la nuit
blanche la pleine lune !

soleil invisible
derrière une muraille plombée
un arc de lumière carmin moelleux
se réchauffe d’orangé brûlant
de brume rose tendre
se vaporise le ciel

6 heures 37

la Gardiole se cache dans la brume
sous un ciel caressé de tendresse
le ciel sur la mer est éclairé
de brume dégradée
le soleil émergé à moitié
la vague éclaire vaguement
puis il se couche dans la brume

6 heures 52

soudain réapparaît l’astre illuminant
et son reflet de pépites sur les flots
dure l’espace d’un instant
brusquement je me retrouve sur la lune
la mer se drape d’un gris peureux
laque figée noire de bleu
la totalité du ciel est voilée
le soleil n’existe plus

reflet volé
nuages envolés
la mer en deuil semble assourdie
voiles du ciel à peine colorés
morne plage
plats galets
gris tamaris
la mer enrobée de gris pétrole
subitement est surlignée à l’horizon
d’un trait ferme bleu outremer

ciel flottant de mollesse
toujours pas de soleil visible
juste un voile fantomatique rose
au-dessus du trait outremer
laisse deviner des rayons irréels
ma chemise lourde d’humidité
me plaque à la peau
le vent me charge les oreilles
les yeux rivés sur le rose diaphane
je cherche Palavas

la plage est restée déserte jusqu’à présent
un pêcheur aux quatre cannes alignées
se prélasse dans son fauteuil de toile
du gris partout
nuancé de toutes les teintes éteintes
mon pas s’alourdit sur le sable lourd
la brume est plus tenace que le soleil
le vent aussi qui picote la page
de mon cahier de grains de sable
je décide de fendre la grisaille
d’un pas tonique

7 heures 20

la mer sous le soleil supposé
tire un trait argenté
flux satiné
tout devient doux de doux
discret turquoise entre les nuées molles
trait argenté disparu
vent moins froid
la mer se couvre de vert de gris
coupé de gris mauve à l’horizon
puis disparaissent les gris Vélazquez
je ralentis le pas
quatre mouettes contemplant
leur reflet dans le reflet du sable
s’envolent

le soleil potentiel exalte
les nuances d’eau et d’air

je fonds dans les brumes
j’ai froid à nouveau
un vététiste me dépasse
et se retourne pour me saluer
convient à mes états d’âme
ce temps suspendu
à mes états de peau sensible
cette mer du nord subtile
en place de la grande bleue !

7 heures 30

la mer couleur d’huître me berce
chantent fluet les oiseaux des étangs
rythme mon pas la résonance lancinante
du ravin marin
m’apaise l’horizon adouci
le vent tiède me mouille les mains
le cycliste revient de sa virée

le soleil semble avoir disparu pour longtemps
le bateau noir est en réalité
une barque de pêcheur
barque ancrée dans la brume
dont je vais essayer de me rapprocher
si ce n’est pas un fantôme
avant de rebrousser chemin
une mouette plane sur la mer
et fait des va-et-vient mer étang en criant
une autre mouette la rejoint
s’envolent vers la mer
tournoient près de la barque

ça sent la malaïgue des étangs
deux chiens courent vers moi
un noir et un marron qui tient
en gueule un jeune lapin inerte
ce sont des habitués de la plage
je n’ai jamais vu leur maître
passent leur chemin

la barque immobile s’agite
lorsque j’arrive à son niveau
elle s’éloigne…
je décide de faire demi-tour
et de marcher dans la vague

Dimanche 24 juillet 2005, marche plage des Aresquiers (Frontignan – Vic La Gardiole, Hérault, France)

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