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Revue étoiles d’encre n° 55-56 (la légèreté)

La revue étoiles d’encre n° 55-56 de la maison d’édition chèvrefeuille étoilée  a été publiée en octobre 2013. Le thème du numéro est la légèreté.

Voici, sous la rubrique d’un art l’autre, un article de Marie-Lydie Joffre à propos de 5 sculptures de Germaine Richier appartenant aux collections du musée Fabre de Montpellier.

étoiles d’encre. Revue de femmes en Méditerranée.

« Mundos virtuales » peintures de Silvia Velázquez

Publication du texte  » Mundos virtuales » ou la peinture dématérialisée de Silvia Velázquez dans la revue étoiles d’encre 53-54 des éditions Chèvrefeuille étoilée

 Mundos virtuales
ou
la peinture dématérialisée de Silvia Velázquez  

Stratège de géométrie dans l’espace, exponentielle, la peinture de Silvia Velázquez se dilate d’énergies Yin Yang. Des lignes droites, s’entrecroisant de perspectives souples construisent toute sorte de figures strictes en illusion de la 3D, figurent des vagues de flammes qui se répondent, se repoussent, se rejoignent, se touchent, s’épousent. Ces entrelacs de tonalité ocre-rouge, rigoureusement élastiques, où l’on imaginerait volontiers Spiderman voltiger, mettent en scène comme des rideaux, des trouées de ciel, bâti de carreaux de froidure. Pavés de verre ou de glace tirés au cordeau, aériens et statiques à la fois, version design de carrelages azulejos qui ont pu bercer l’enfance de Silvia en Uruguay ? Il émane, de ces casiers bleutés de lumière, une mosaïque parfois feutrée comme la mémoire et tout un imaginaire. Voilà qu’une stalactite révèle un trèfle ; la pensée, l’idée de la nature surgissent mais nullement la sensation de la nature. C’est l’esprit qui est sollicité dans cette peinture de métamorphose avec pour questionnement l’avenir à tailler dans une vision de diamant.


 
 Mundos virtuales 10


La peinture novatrice de Silvia Velázquez nous introduit dans une cathédrale de vitraux dématérialisés. On y ressent l’influence du numérique qu’elle détourne avec virtuosité à ses fins. Les œuvres, stylisées à l’extrême, et fondées sur une dualité de contrastes, sont peintes avec un soin minutieux à l’acrylique sur support de toile. Son style géométrique séquentiel est voué à l’immatérialité, quand l’art virtuel souhaiterait retranscrire le foisonnement du vivant. L’artiste ne donne pas corps à sa peinture ; de surcroît elle est en rupture avec l’aspiration à la matière qui habite les artistes depuis toujours ! C’est l’abstraction du concept qui l’inspire ; ainsi la texture émaciée du matériau acrylique devient-elle toile d’araignée. Par ailleurs, ce travail participe plus du graphisme que de la couleur, réduite à une douce bichromie. Une dynamique d’épure et d’ondes  de lumières tamisées nous a accrochés aux mailles des filets…
L’art en réseau de Silvia Velázquez est si lapidaire que le tout s’y inscrit à l’infini de la rose des vents. Son architecture de vitrail, d’ogive, nous fait planer dans la spiritualité d’étoiles où l’on entend les oiseaux. Le coucher de soleil joue sur la glace du matin des points cardinaux.

Marie-Lydie Joffre
18 juin 2012 
 Mundos virtuales 6

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Encres et PastelLithes de Marie-Lydie Joffre dans la revue étoiles d’encre 53-54

Publication d’une sélection d’encres et de PastelLithes de Marie-Lydie Joffre dans la revue étoiles d’encre 53-54 (mars 2013) sur le thème : Nos maisons. Les reproductions dans la revue sont traitées en noir et blanc. Ci-dessous les voici en couleur et présentées dans l’ordre de la pagination.

 Maison assise. Pastel sur marbre
 
 Ligne étendu. Encre de Chine sur papier
 Souffrance. Encre sur marbre
 Arbres. Causse de Sauveterre, 2002. Graphite sur papier
 
  La casa de Bernarda Alba. Encre sur pierre de Claret
 Jardin secret. Encre sur marbre
 Voisinage. Encre sur pierre de Claret
 Maison primordiale. Encre et pigment sur papier
 
 L’appel du large. Encre sur pierre de Claret
 
 Miroir intime. Pastel sur ardoise
 
 Chemin des écoliers. Encre sur marbre
Etoiles d’encre. Revue de femmes en Méditerranée.

« Corps et Ombres » Caravage et le caravagisme européen (3)

Michelangelo Merisi dit Le Caravage, 1571-1610
Observation de deux peintures :
La Flagellation du Christ
Ecce Homo



L’exposition Corps et ombres présentée au musée Fabre de Montpellier du 23 juin au 14 octobre 2012, fut un évènement exceptionnel par le nombre de chefs-d’oeuvre réunis, assorti de l’exploit d’avoir réussi à déplacer des peintures aussi prestigieuses que neuf Caravage, sept Georges de La Tour et une soixantaine d’oeuvres caravagesques illustres. Faisant suite aux  posts « Corps et ombres » Caravage et le caravagisme européen 1 et 2, voici l’approche de deux peintures que Le Caravage a réalisées dans sa maturité, quatre ans avant sa mort précoce en 1610.


Dans une salle du musée Fabre dont l’ampleur fait songer à une nef de cathédrale, des tableaux de grand format, sombres dans l’ensemble, exécutés par nombre d’artistes caravagesques, s’exposent au coude à coude. La majorité des peintures ont pour thème des scènes bibliques de décapitation. C’est impressionnant mais au bout d’un moment, prend l’envie de déserter la salle des supplices tant l’affluence des visiteurs alliée à la densité morbide des oeuvres accumulées deviennent éprouvantes !

C’est alors, qu’au sortir du tunnel, on a l’éblouissement ! Surgissant d’un tableau, un buste masculin à la troublante beauté athlétique plus vraie que nature s’affiche. Tout simplement on se retrouve face à l’intensité de la peinture du Caravage « La Flagellation du Christ » (1606-1607) ! 

Le Caravage, 1571-1610. La Flagellation du Christ. Vers 1606. Huile sur toile. 134  x 175,5 cm. Musée des Beaux-Arts de Rouen (seul musée en France avec le Louvre à posséder un Caravage)

Les bustes mis à nu de Christ flagellé sont légion dans l’art de notre culture occidentale mais aucun jusqu’ici ne montre le Christ tel que Le Caravage l’exulte dans un style naturaliste tendrement ombré, mettant en valeur son humanité et la proximité vivante de la sensualité de la chair. Le Christ ploie en figure de proue éclairant le monde, sous les brutalités sans conviction de deux tortionnaires – modèles issus du peuple que Le Caravage fait poser sous différents attributs dans ses peintures ; victimes dans la vie tout comme lui, le peintre a de la compassion envers eux – La colonne est tailladée sous les coups de fouet, mais le corps presque nu du Christ porte peu de traces de sévices. A la fois bien réel et surnaturel, il est déjà dans la transfiguration. La puissance de sa présence est au-dessus des contingences, visage exténué mais regard plongé dans un au-delà. Composition mouvante comme les vagues, la scène prend la dimension d’un pont de navire avec la cheminée, les exécutants et l’inconnu de la mer dont le Christ scrute l’horizon…


Oeuvre toute de concision, recueillie, qui ouvre à l’imaginaire du regardeur ; aucun artifice de maniérisme religieux ou baroque de l’époque, juste 3 personnages, 3 lames de fond enchaînées à une nuit de cachot éclairée partiellement par la lumière d’un soupirail venue sculpter visages et corps et graver des zébrures de fouet sur la colonne. On pense que Le Caravage peignait dans des ateliers sombres faiblement éclairés d’une lucarne ou à la bougie. Mais de cette insuffisance d’éclairage il en fait la puissance d’un jet de lumière qui s’abat sur la vulnérabilité des chairs notamment. Gamme de couleurs très restreinte. Tonalités de bure, la pourpre du manteau gisant au sol, symbolique de roi déchu, du sang qui va se répandre ; la blancheur du pagne de pureté, préfiguration du linceul…

Et une dynamique qui relie les personnages dans la même galère, comme pris au lasso d’un oeil dessiné en haut par la courbe des trois regards, en bas par l’arrondi du pagne et le bras éclairé du bourreau. Au milieu de cet ovale, un grand trou noir de mystère nous interroge. La colonne calligraphie les blessures. Scène pleine de retenue et de spiritualité ! De la tête du Christ, aux mains du bourreau, et en remontant à droite jusqu’à la main tenant le fouet, s’inscrivent les lignes abstraites d’une envolée ! Toutes choses de l’inconscient qui échappent à l’artiste et nourrissent l’imagination, tel le buste chatoyant ouvrant à d’autres dimensions : métaphore d’une tête de cheval ! Centaure, fougue du cheval pour galoper puisque la vie de l’artiste est placée sous le signe de l’échappée à la justice à perpétuité…

La biographie du Caravage est mal connue. Le peintre, à l’enfance misérable, est violent et belliqueux. Il sera poursuivi toute sa vie par les autorités pour ses moeurs et l’assassinat d’un adversaire au cours d’un duel vers 1606. C’est aux alentours de cette date qu’il peint les 2 oeuvres présentées ici. Si elles sont postérieures au meurtre il pourrait y avoir auto-projection de l’artiste dans l’oeuvre, se représentant aussi bien tortionnaire que victime en une sorte de rédemption. Quoi qu’il en soit de la chronologie des évènements de sa vie, Le Caravage était suffisamment intuitif pour présager de son avenir. Oeuvre testamentaire au terme de sa courte vie ?


Exemples de « Flagellations du Christ » célèbres
Piero della Francesca
Lucas Granach
Giotto
Le Guerchin (Ecole du Caravage)
Mantegna

…………………………………………….

Ecce Homo est une oeuvre peinte approximativement la même année que « La Flagellation du Christ » et il semblerait qu’on y retrouve les mêmes personnages qui posent en modèle vivant.  « Ecce Homo » – Voici l’homme – est la présentation à la foule par Ponce Pilate du Christ condamné à la crucifixion. Le Caravage affectionne les scènes de sacrifice, ces thèmes qui lui permettent d’explorer la charge érotique de corps masculins dénudés.

Le Caravage, 1571-1610. Ecce Homo 1605 – 1606. Huile sur toile. 128 × 103 cm.
Palazzo Bianco, Gênes.La reproduction de l’eoeuvre est incomplète. 
il manque une marge au bas du tableau. La main droite n’est pas coupée !

L’homme jeune figure le tortionnaire tenant à la main le fouet plié. L’homme âgé, vêtu d’un costume de notable de l’époque contemporaine du Caravage, est Ponce Pilate. On dit que le portrait de cet homme serait l’autoportrait du Caravage. 

La scène s’inscrit dans un format presque carré, clos d’obscurité mettant en valeur la vague de lumière orientée sur le Christ. Les personnages y sont alignés de façon littérale comme s’ils posaient avec lenteur pour une photo d’identification en gros plan. 

La posture prostrée du Christ indique qu’il a renoncé à lutter. Son visage résigné, pensif, sombre dans la tristesse, les paupières baissées lourdes de sens accusent la maltraitance. Son buste irradie la lumière crue et caressante à la fois, mise en valeur par les contrastes du fond noir ainsi que de la masse noir profond du costume de Ponce Pilate. Les victimes chez Le Caravage semblent prendre toute la lumière comme une irradiation avant la mort. Le buste est épargné de toute trace de meurtrissures. En revanche les mains paraissent ankylosées. Le vaste pagne fait écho au linceul qui enveloppera le corps du Christ mort.

Jeux de mains le long de la diagonale du carré…

L’armature de la scène pourrait être la guirlande des mains qui jouent leur partition sur la diagonale reliant l’angle gauche à l’angle droit de l’oeuvre. Symbolique de toutes les mains qui ont pu torturer le Christ et qui s’acharneront à le tourmenter sur la croix ? Jeu de mains, jeu de criminel et victime ? Les mains du peintre sous différents aspects ?

Ponce Pilate parle avec les mains. C’est par le geste explicite de ses mains vides, il ne peut plus rien pour le Christ, qu’il présente le condamné à la foule et aux spectateurs.

Les mains du Christ sont comme paralysées, et les poignets, attachés en croix. Pressentiment de la crucifixion ? Projection d’une automutilation de l’artiste pour expier son crime ?  

Les mains du tortionnaire, adoucies par l’ombre, ôtent délicatement le manteau qui couvre les épaules du Christ pour exhiber le buste. Le manteau tendu pourrait préfigurer la planche de la croix. Par ailleurs, toutes ces mains suivent le cours du sceptre de roseau, symbole des naufrages du Christ.

Jeux de couvre-chefs en arc de cercle…

Si les mains parlent, les couvre-chefs aussi. On a là, trois représentations de la loi des hommes. Ponce Pilate, magistrat caparaçonné, manteau, chapeau et barbe fleurie, mène le monde. Mais ses yeux sont creusés de remords. Il ne semble pas être très à l’aise dans son rôle d’arbitre. Son chapeau sans ornement fait dans la simplicité mais se moque perfidement en douce.

Le tortionnaire qui croit lui aussi en l’innocence du Christ, contient sa douleur. Sur son serre-tête de chiffon une plume a été ironiquement dressée. Pauvre et digne, il chuchote des paroles d’apaisement au Christ, lequel semble attentif à ses propos. Deux hommes, complices contre l’injustice.

Le Christ ou représentant de Dieu, martyre couronné d’épines, la suprême moquerie, se retrouve dans le plus grand dénuement mais en même temps en pleine lumière, celle qui échappe par le surnaturel au pouvoir des hommes.

Le Caravage peint vite, à l’instinct. Au cours du travail il change d’idées, rectifie. Par exemple on peut repérer des repentirs au-dessus de la tête du Christ, dans une ligne en pointillé sous son avant-bras droit, et voir apparaître des amorces de doigt supplémentaire sur la main gauche de Ponce Pilate ! Les modifications sont souvent des suppléments d’âme à la perfection d’une oeuvre car on y ressent la turbulence de la faillibilité humaine !

Les spécificités de la peinture du Caravage : clair-obscur dont lutte entre ténèbres et lumière, naturalisme, décor minimal, sensualité, violence des sujets, compositions savantes inspire de nombreux artistes de son époque. Certains pousseront le clair-obscur jusqu’au « ténébrisme », d’autres au « luminisme ».

Mais ce ne sont pas les emprunts d’ordre technique uniquement qui ont fait les grandes oeuvres caravagesques – les emprunts de cet ordre sont, comme les gammes en musique, une nécessité fondamentale de tous les arts et chaque artiste naturellement les passe au filtre de sa personnalité indivisible – c’est la puissance et l’humanité des oeuvres du Caravage qui porte, leur souffle qui insuffle.

Qu’y a-t-il de commun entre un Caravage et un Georges de La tour, peintre caravagiste ? Dans le prochain post nous essaierons d’observer la peinture de Georges de La Tour

Une petite merveille ces vitraux Ecce Homo, vie du Christ !









« Corps et ombres » Caravage et le caravagisme européen (2)

Observation de deux tableaux du Caravage exposés au musée Fabre de Montpellier (22 juin – 14 octobre 2012)
– Salomé recevant la tête de St Jean-Baptiste
– L’amour endormi
 et d’une oeuvre du Guerchin

Salomé recevant la tête de St Jean-Baptiste. 1606-1607. Huile sur toile, 91 x 106 cm. National Gallery, Londres.

Œuvre magistrale, soleil de nuit dans un bloc de chair, action et méditation de la vie sur la mort. Peinture d’une austérité monacale, silencieuse, recueillie qui rompt avec l’idéal du baroque gestuel de l’époque. Les apports du Caravage à la peinture universelle y sont réunis.
Le thème, religieux.
Les personnages, réalistes et représentés à mi-corps, donc proches de nous, zoomés, et qui imposent leur géométrie sur un fond neutre, noir, sans décor.
Le clair-obscur, éclairage ponctuel venu d’une étoile sculptrice, faisant surgir dramatiquement du fond de la nuit, par contraste, les figures en haute lumière modelées d’ombres vigoureuses qui leur donne du volume et une présence saisissante de vérité.

L’équilibre des contrastes ombre-lumière de cette peinture atteint la justesse du nombre d’or. Maximum de force obtenue avec le minimum d’effets. Réduction de la gamme chromatique restituée en tons de noir et blanc qui mettent avec élégance en valeur les argiles ensoleillés des chairs. Les visages jeunes de Salomé et du bourreau arborent des intensités de pomme rebondie ; de pomme flétrie, le visage de la vieille femme ; du masque amidonné de la mort celui de St Jean-Baptiste. Rien d’inutile n’est exposé que le strict nécessaire, le plateau de cuivre, l’arme du bourreau – à connotation sexuelle – retenue entre les doigts de la main gauche. 

Par ailleurs, ce ne sont pas des modèles affectés qui posent pour le peintre mais des gens du peuple, de son entourage. On a retrouvé très peu de dessins du Caravage. On suppose qu’il peint directement sur la toile d’un trait alerte et définitif. Il ne rectifie pas sa peinture, ne cherche pas à l’améliorer. Ainsi les visages sont-ils saisis dans la réalité immédiate de leur vérité.
Chaque personnage est dans sa bulle mais tous sont unis par le mystère de l’action qui se déroule. Les interprétations de l’œuvre sont illimitées. On pourrait par exemple transposer le quatuor en métaphore des quatre saisons de la vie, une sorte de nature morte aux humains !

La composition est savante, structurée d’un jeu de lignes et de cercles qui se répondent en multiples destinations de l’émotionnel. Les 4 visages, positionnés sur une ellipse, interpellent, fascinent comme météore dans un ciel de nuit. Salomé et le bourreau, tous deux en action, sont placés en obliques parallèles qui rythment et cadrent la scène. Au milieu de la scène, une troisième oblique parallèle met en exergue le lien entre le regard inquiet de la vieille femme et le regard intériorisé de St Jean Baptiste comme pour relier au point le plus haut, celui de la prière, le point le plus bas celui de la mort. Par ailleurs cette ligne plongeante forme une croix avec la ligne droite horizontale qui dessine les épaules solides de Salomé et du bourreau portant les fardeaux.

Un triangle parfait passe par les 3 points formés des visages de Salomé, du bourreau et de St Jean-Baptiste dont le visage anguleux creuse l’angle de la chute. Le bourreau, séparé du groupe, se trouve un peu dans la position de l’artiste observateur « exécutant » un tableau ! A la croisée des chemins, sa main droite, noeud du drame, palpite en plein coeur de l’oeuvre.

le châle de Salomé aide la jeune femme à soutenir le plateau, et le drapé réplique aux plis de la tunique de travail du bourreau, échancrée à l’épaule pour ne pas gêner l’acte de décapitation. Ces lignes mouvantes apportent une note de fantaisie à la rigueur ambiante.

La ronde des regards raconte l’humanité. Salomé détourne son regard de l’insoutenable. La vieille femme en fixe la souffrance avec effroi et contrairement à Salomé qui nous fait sortir du cadre, son regard à elle nous retient au centre du drame. Elle semble prier et méditer sur la finalité de la vie. Le tête-à-tête contrarié des visages des deux femmes, nuque contre nuque, regards en envol d’accent circonflexe évoque la férocité du miroir des vanités.

Le bourreau fait respectueusement la démonstration de sa mission accomplie. La tête de Salomé et celle du bourreau penchent en rythme du même côté, cependant le regard du bourreau, frontal mais empreint d’humilité est apaisé et absent de la scène ; il se situe au-delà des contingences, comme en rêve. A sa façon le regard de Salomé s’absente aussi. L’homme tient la tête de la victime par le haut des cheveux pour la présenter dignement au public. Les traits particuliers de son visage on les retrouve dans d’autres représentations de bourreau (innocent de tout crime par essence) parmi les toiles du Caravage ; serait-ce l’autoportrait de l’artiste repentant qui n’a pas été épargné par la vie ?

La tête coupée de St Jean-Baptiste, donne à penser à un autre éventuel autoportrait du Caravage, (toujours porteur de barbe dans la vie) en victime ayant expié ses fautes…  En tout cas, le visage de St Jean Baptiste est le seul encore capable de délivrer une parole sous l’horizon des trois bouches closes des vivants. Le bras en raccourci du bourreau, entre les deux autoportraits pourrait être le vecteur de l’origine et de la fin de la courte vie du Caravage…

La circonférence d’un regard mystique celui-ci reliant tous les personnages, s’amorce à partir du châle blanc, se poursuit par l’arrondi du plateau de cuivre remonte par la ligne décolletée du vêtement et le visage du bourreau, termine sa trajectoire par une glissade au-dessus des têtes des deux personnages féminins, pour former une pupille qui encercle et réunit les personnages du drame dans le tondo de la misère du monde … ou l’œil visionnaire du Caravage.

Je vous invite à comparer l’œuvre du Caravage avec celle qui a inspiré Le Guerchin ci-dessous.
Le Guerchin (Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino) (1591-1666) peintre et dessinateur italien qui a étudié, parmi tant d’autres artistes, l’œuvre du Caravage

  
Salomé reçoit la tête de Jean-Baptiste. 1637. Le Guerchin. Peinture à l’huile. 139 x 175 cm. 

 
 L’amour endormi. 1608. Le Caravage. Huile sur toile, 71 x 105 cm. Galerie Palatina. Palazzo, Florence



Il m’a semblé à l’observation de l’oeuvre originale que cet enfant n’était pas endormi mais mort. Probablement les effets conjugués du fond très sombre et de l’éclairage à tonalité jaune-cire qui fige la respiration. La mort qui accompagne tout du long l’œuvre du Caravage est-elle déjà inscrite dans cet Amour gisant ?

La lumière du jour n’atteint pas les peintures du Caravage. C’est la nuit des ténèbres qui les pénètre. Les personnages sont éclairés comme au théâtre de lumière directe forte qui accentue les contrastes.

A suivre
« Corps et ombres » Caravage et le caravagisme européen (3)

« Corps et Ombres » Caravage et le caravagisme européen (1)

Le Caravage 1571 – 1610

« Corps et Ombres » fut la grande exposition médiatique présentée au musée Fabre de Montpellier du 23 juin au 14 octobre 2012. L’exposition réunissait neuf chefs-d’œuvre du Caravage – sur une soixantaine de toiles réalisées lors de sa fulgurante carrière – escortés de 74 toiles des principaux artistes du mouvement caravagesque du Sud de l’Europe, dont sept Georges de La Tour, un Velasquez, un Zurbaran !

Simultanément le musée des Augustins de Toulouse présentait l’autre volet de l’exposition « Corps et Ombres » avec les œuvres d’artistes du mouvement caravagesque du Nord de l’Europe, flamand et hollandais, tel Rembrandt par exemple. Les œuvres étaient prêtées par de prestigieux musées du monde entier. 

J’ai visité l’exposition du musée Fabre le 8 septembre, le matin, dans l’espoir d’éviter les foules et de pouvoir prolonger la visite l’après-midi. Mais sur le terrain j’ai dû m’adapter au contexte car avec l’afflux des visiteurs il était très difficile de s’approcher des œuvres. En début d’après-midi je me suis alors offert la compagnie des œuvres de Soulages que pour moi dans leurs galeries désertes ! 

Ces deux expositions ont été amplement commentées dans les média. Sur Internet on trouve beaucoup d’information sur Le Caravage et ses « suiveurs ». Aussi, me contenterai-je d’évoquer les œuvres qui m’ont le plus interpellée.

Mais tout d’abord quelques mots sur la brève vie de Michelangelo Merisi da Caravaggio (nom de la petite ville où il passe son enfance) Le Caravage naît à Milan le 29 septembre 1571. A 22 ans il entre dans l’atelier de Césari, peintre attitré du Pape. Il y peint fleurs et fruits. Puis il quitte l’atelier et se lie avec des artistes d’Académie. Il peint alors tableaux religieux et scènes de genre. L’homme est « belliqueux, violent, transgressif » écrit José Frèches, historien de l’art. Suite à un duel, Le Caravage tue son adversaire. Il est condamné à mort et mène une existence d’errance pour fuir la justice et l’Eglise. Il se déplacera à Malte, Naples, Palerme. Il n’a pas atteint ses 40 ans quand on le trouve mort sur une plage de Toscane en juillet 1616. Personne ne demandera sa dépouille. La cause du décès reste inconnue. Ces circonstances rappellent la mort du cinéaste Pasolini et, plus troublant, il y a une certaine ressemblance dans des portraits que dresse le Caravage avec le portait du cinéaste. Le génie du Caravage tombera dans l’oubli et sera reconnu au XIXe siècle.

Galerie du Caravage
Plusieurs peintures du Caravage seront observées dans les prochains messages. Voici pour commencer la peinture « Garçon mordu par un lézard »
               
 


Garçon mordu par un lézard
. 1593-1594. National Gallery, Londres. Huile sur toile, 66 × 49,5 cm

Cette œuvre a fait l’affiche de l’exposition. Son style précieux semble influencé par le Baroque né à Rome à la fin du XVIe siècle. Cependant on y reconnait le clair-obscur dense propre au Caravage. A la Renaissance les peintres recherchent à exprimer la lumière, et Léonard de Vinci est un des premiers à travailler le clair-obscur en expérimentant la répartition de la lumière sur un visage à partir d’une seule source d’éclairage. Le clair-obscur du Caravage est violent. Les ombres sont accentuées à l’extrême pour faire jaillir par opposition la lumière des ténèbres, le bien du mal, le relief des chairs et des choses.

Le garçon semble confiné dans un écrin car certaines ombres sont veloutées et il y a peu d’espace autour de lui. Le voluptueux drapé aux oiseaux figurant la chemise, coupé au coude, donne un prolongement virtuel aux lignes du vêtement. Cadrage serré, plein, personnage à mi-corps, massivité du corps, clair-obscur, ces caractéristiques du style du Caravage sont déjà inscrites dans cette oeuvre de jeunesse. 

La vivacité du garçon dont le doigt vient d’être mordu par un lézard donne à ressentir l’instantanéité de la morsure par le positionnement réaliste des mains et ausi parce que le personnage est pris dans la dynamique d’une diagonale qui abaisse le plafond et rejoint à angle vif la diagonale de bordure de la table creusée par une ombre forte noyant le buste. Le bras plié forme, de l’épaule jusqu’à la main, un autre angle vif contrariant le précédent, toutes ces obliques mettent de l’électricité dans l’alcôve ! Le tout est adouci par des détails extrêmement raffinés, le drapé de la soie, la nature morte au vase de fleurs rempli du charme d’une eau bleue. Tendresse dans les rondeurs du visage, sensualité de l’épaule. Œuvre pleine de symboles que vient encore accentuer la secrète diagonale qui relie la fleur dans les cheveux à celle du vase. Les portraits de jeunes-gens maniérés sont récurrents dans l’œuvre de l’artiste.




LIENS
Wikipedia déroule une belle liste de reproductions d’oeuvres du Caravage « identifiées ou contestées » ; la plupart de sa main
Et bien sûr sur des informations fondamentales sur la vie et l’œuvre du Caravage


A suivre
Salomé recevant la tête de St Jean-Baptiste
L’Amour endormi

« A l’écoute des Arbres » rencontre artistique et litteraire


Invitation à une rencontre artistique & littéraire
A l’écoute des Arbres 
avec l’artiste Marie-Lydie Joffre, ses amies poètes…et la participation du public
Vendredi 5 octobre 2012 à 14h30
Club de la Treille, 8 rue Abbé de l’Epée, 34090 Montpellier. Entrée libre
Arrêt tram Ligne 1 Boutonnet/ Bus n° 5, arrêt colonel Marchand/ Contact 04 67 54 51 37
Programme
Présentation de 4 recueils créés grâce à Internet
Marie-Lydie Joffre, fascinée par les arbres, les dessine d’après nature et à leur tour les dessins inspirent les poètes.
          Nus les arbres dansent, poèmes d’Huguette Bertrand
          Arbres dans les Nues, poèmes de Carole Menahem-Lilin
          Entre, nouvelle poétique de Valéry Meynadier
          Amour des Arbres, album destiné à tout support virtuel et consultable sur Amazon.com
Lectures d’un choix de poèmes
Arbres dans les Nues, lectrice Carole Menahem-Lilin, écrivain, poète, écrivain public, ateliers
Nus les arbres dansent, lectrice Christine Jouhaud-Mille, poète
Entre, lectrice Valéry Meynadier, écrivain, ateliers
Vidéo-projection d’une sélection d’œuvres de Marie-Lydie Joffre, sous influence de l’arbre
Goûter
Rencontre conçue par Joseline Feuille
…………………………………
 

Les sujets de l’abstraction (1)

  Les sujets de l’abstraction est une exposition qui a eu lieu au musée Fabre de Montpellier du 8 décembre 2011 au 25 mars 2012
Peinture non-figurative de la seconde Ecole de Paris (1946 – 1962)
101 chefs-d’œuvre de la fondation Gandur pour l’art
Ci-dessous la couverture de la plaquette de l’exposition, illustrée d’une peinture de Gérard Schneider
 MuseeFabre_plaquette ARTABSTRAIT
MuseeFabre-plaquette_ouverte
  Intérieur de la plaquette, illustrée de 6 peintures de gauche à droite :
En haut : Hans Hartung, Georges Mathieu, Jean-Paul Riopelle
En bas : Nicolas de Staël, Pierre Soulages, Zao Wou Ki
J’ai visité l’exposition le jeudi 5 Janvier 2012 : 5 heures d’affilée en compagnie d’œuvres magistrales, portée sur un petit nuage ! Deux étages avaient été aménagés pour la répartition des 101 tableaux, des toiles, majoritairement, grand format, parfois immenses. J’avais choisi de me laisser traiter par les œuvres, n’avais rien lu sur l’exposition ; j’allais à la source sans préparation, désireuse de découvrir le matériau pictural en tête à tête, bien concret, si l’art abstrait, quant à lui, renonce à représenter le monde visible.
J’avais avec moi une petite panoplie de dessinateur pour des notations coups de cœur, un carnet de feuilles Japon Calligraphie, un stylo Pilot Hi-Techpoint 0,5, un bâtonnet de graphite. Plus la sympathie des gardiens et de visiteurs, toujours avenants avec un dessinateur sur le motif. J’ai rempli de croquis in situ 18 feuilles sans m’en rendre compte et je vous propose de reconstituer mon cheminement sous plusieurs épisodes, au fil des feuillets de notes, pour essayer de capter les énergies émotionnelles de l’art abstrait.
Hans_Hartung_Croquis      Zoomer pour une meilleure lecture
C’est une oeuvre de Schneider qui accueille le public dans la première salle d’expo. Sur le coup j’ai trouvé oppressante l’immense toile démultipliée en largeur, éclaboussée à tout vent de multiples coups de brosses ternes, noir et blanc. Mais lorsque j’ai revu la toile en quittant l’exposition, j’avais changé d’idée et reconnu que cette toile calligraphiée de oui et de non était une métaphore du  parcours agité de la vie, une musique rythmée aussi !
En revanche, Hartung a capté tout de suite mon attention ! J’ai aussitôt ressenti l’authenticité de son oeuvre. Monde d’élévation et d’espace, terrien et aérien, dynamique de limpide mystère ; délicats, parfois des faisceaux de traits sont comme lacérés à la lame d’un couteau. Dans la grande toile de la plaquette (les formats des oeuvres pour la plupart ne sont pas indiqués) 3 figures géométriques ludiques mais imposantes d’architecture gravitent dans un cosmos, une mer sombre, tandis qu’un ciel de clarté balafre les voiles du vent… Rien de figuré, tout à imaginer, du sensoriel sans cesse renouvelé.
A suivre

3 encres de Marie-Lydie Joffre dans le magazine « Autour des Auteurs »

Trois encres publiées dans le magazine « Autour des Auteurs » n° 28 – juillet 2012 illustrent :

Variation ‘Dévorations naturelles
Une variation à trois voix. Les auteurs ont écrit à l’aveugle, à partir de la même première phrase.
Victime, de Françoise Renaud
La haie d’aubépine, d’Anne Bourrel
Sans croquer, de Raymond Alcovère

Encres de Marie-Lydie Joffre, série du 6 janvier 2004
(encre de Chine et pigments sur papier, 14 x 19 cm)

Concert & Exposition

Concert : Max Greze, Domitille Debienassis – Exposition :  Marie-Lydie Joffre
Chemin
de Soi(e)
 
Concert
Orient – Occident
Max Greze : Saz – Chant
Domitille Debienassis :Viole de gambe – Tambur
Samedi 19 mai 2012 20h30
 
Exposition
Encres de Marie-Lydie Joffre
19 mai-26 mai 2012
 
 
EGLISE DES DOMINICAINS
 Rue Fabre Tram Comédie
34000 MONTPELLIER
 
 
Photo :  Domitille Debienassis, Max Greze
Encre : Orme de Sibérie, Marie-Lydie Joffre