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Poème de Christine Jouhaud-Mille

Pouvoir marcher sans tromper l’oiseau
du coeur de l’arbre à l’extase du fruit

René Char
( in A la santé du serpent 1954)

Rémanence

D’une saison à l’autre

le songe s’en échappe.

Interpelés les marcheurs

s’interrogent :

Qui vivait en cette demeure

aux fondations émoussées

aux éboulis épars

de pierres sèches ?

On devine l’entrée du jardin

avec l’accueil du gardien solitaire –

l’imposant cyprès bien droit

levé vers le ciel.

Il courbe sa cime au gré

des facéties du vent.

Un nouveau songe s’échappe

des murs disparus

dans la vibrante lumière,

alors que moutons et chèvres

broutent sur leurs restes,

les égaillant de la musique

des cloches

pendues aux cous

des bêtes de tête.

Un couple s’est assis là,

à l’abri d’un muret.

Ils déjeunent sur l’herbe,

s’embrassent et s’alanguissent,

la douceur du lieu les y invite.

Courte halte car l’après-midi avance :

Des heures à venir

à parcourir des kilomètres de nature.

Ils repartent, leurs pas vacillent

sur les pierres instables du chemin,

la femme et l’homme.

Ils tournent leurs regards,

adieu muet

vers cette complice de leur amour.

La frondaison bientôt fera rempart.

Christine Jouhaud-Mille
6 juillet 2012

Cette publication est parue dans la revue étoiles d’encre n° 55-56, sur le thème de la « Légèreté »

Magnolia

 

 

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Jeune Magnolia grandiflora. Jardin des plantes de Paris. 4 oct 2010. Encre de Chine et calame sur papier calligraphie Clairefontaine, 24X30 cm. Croquis de Marie-Lydie Joffre

Quand j’ai vu ‘Magnolia’. J’ai été un peu en colère contre vous, pour m’avoir dérobé l’image de « mon Magnolia à moi ». Je le chéris si grand en fleurs, que je vous en ai voulu de ces branches et de ce foisonnement direct et appuyé si fort, planté en largeur massive, poussant si vite et si droit… Et puis il y a eu la rencontre avec d’autres traits. Tout d’abord une branche qui vous surprend puisque l’on semble avoir voulu la rajouter là. Que veut-elle dire ? Est-elle accompagnée d’autres de ses semblables ? Et que veulent-elles dire… Celle-ci qui pousse là, au milieu et à l’opposé en même temps, en sens inverse, en dépit de toute logique, elle qui s’installe là si impatiemment, d’un ton si péremptoire, vindicatif, en force ou en douleur, de femme…? Respire-t-elle… ? On dirait qu’elle abrite un être fatigué, ou alors en méditation, un être ou une spiritualité, une philosophie, quelque chose à dire sur les arbres et la façon dont ils poussent, ce qu’il leur faut pour vivre et aimer la vie, pousser des fleurs sur leur poitrine lorsqu’ils ont le dos… avec une racine -ou- enraciné ? Est-ce un enfant sur ses genoux, ou le fruit de mon imagination, de la sienne…
Et cette autre qui est à naître de quelque chose qui se veut branche, feuille, oiseau, horizon et vent à la fois…
Et puis une autre, qui grandit en deux rondeurs, deux traits parallèles que je reconnais, enfin, que je devine tout en le reconnaissant. Il raconte l’histoire d’autres de vos peintures, une autre idée de la beauté, qui va toujours avec mon sourire…
Et ces feuilles derrière, semblant vouloir dire, ‘je suis un arbre’, mais celles-ci me semblent naître de quelque chose de bien plus insaisissable, le vent peut-être qui emporte d’autres branches avec lui, ou peut-être une cape, des cheveux-branches de femme y flottant.

On comprend mieux alors pourquoi les premières branches se dressent ainsi avec de force, c’est leur souffle, à l’intérieur, qui a tant à dire.

Je croyais les magnolias bien plus tranquilles que cela ! ;-))
En tout cas, je ne les regarderai plus de la même façon…

E. Damnon