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Couverture de l’album ENTRE

 

Préface

On entre dans un texte de Valéry Meynadier comme on entre dans la mer. Au début avec prudence, émoi, étonnement. Puis on se laisse saisir, on trouve son souffle, on prend plaisir, une fluidité commence à nous enrober. Un peu plus tard on se surprend à se laisser flotter dans les bras d’une houle vigoureuse et voluptueuse à la fois. Enfin on fait corps, on est la masse de la vague, liquéfiée tout autant qu’aérienne en ce lieu où la mer et le ciel ne font plus qu’un : on entre alors dans le mystère de l’épaisseur des êtres, corps et âmes confondus.

Il fallait à côté d’un tel texte un élan poétique à hauteur de l’engagement suscité. Il fallait qu’on puisse chercher, haleter, se perdre, puis enfin être pris et succomber dans une aire d’accueil, de quête, et d’ouverture. Les encres de Marie-Lydie Joffre nous amènent encore plus loin. Chaque esquisse nous attire vers un arrière-plan intimiste qui pousse notre subjectivité à se saisir de l’histoire, qui devient notre histoire. N’avons-nous pas chacun un drame, une énigme, où nous avons sombré un jour, et qui a structuré pour longtemps les abîmes de notre mémoire ? Ces lignes et ces formes graciles, mouvantes, vivantes, plongent dans l’antre de la chair et nous convoquent vers des sombres profondeurs d’où on espère la lumière. Et celle-ci ne cesse de sourdre des 4 coins de l’horizon, elle nous entoure, elle n’a jamais cessé d’être là, même au plus noir de nos épreuves. A leur manière Valéry et Marie-Lydie tissent ensemble un conte de la Rédemption.

Pascale Amara, Sept 2011, place Denfert-Rochereau, Paris

 

Couverture de l’album ENTRE : Encre de Marie-Lydie Joffre.

Liquidambar, arbre croqué sur le vif  au Jardin des Plantes de Montpellier

 

 

 

Publications dans la revue étoiles d’encre 69-70 (Editions chèvre-feuille étoilée)

Thème de la publication : Penser la vie

Poèmes de Huguette Bertrand et de Annie Devergnas

en résonance avec les encres  de Marie-Lydie Joffre

 

 

 

 

 

SCANSIO

Scansio

Carole Menahem-Lilin

Poèmes inspirés par les Platanes de décembre de Marie-Lydie Joffre

 

En-rein-cinés

dans ce monstre immobile

qu’est le sol,

hissé de racines

tressage de ciel,

 

Platanes, nom masculin

marbrures féminines.

 

 

Frôler, provoquer, désirer,

flatter du bout des racines,

du coin du creux,

de la pulpe des sèves,

 

Puis se replier

dans ses feulures

vertiges de feuillages.

 

En-rein-cinés

dans l’intime façonnage

en berceau-expansion.

 

Un chemin prend acte ici,

venant d’on ne sait pas,

allant on ne sait où.

 

Qu’importe d’où s’origine

ce poing ouvert,

cet allant fermé.

 

Qu’importe d’où se décide

le secret.

 

Un chemin prend pacte ici,

de soi à soi.

Regard d’écorce,

coïncidence de haies vives.

 

Et ces marquages

tel un visage épris

de sa vérité.

 

 

 

Tango embrumé

la haute étreinte des platanes.

 

Un sein pointé

orteils tendus

sexe incurvé.

 

L’hiver, désir traverse.

Epaules rejetées

tremblement des poignets

dédoublement cambré.

 

L’hiver, désir traverse.

 

Dédoublement cambré,

Amour es-tu ?

Au risque du bois.

 

Ce moment où l’on ne sait plus

ce que l’on sait,

ce que l’on veut.

 

Sans cet hiver

qui nous traverse,

Sans cette flamme

qui nous rencontre,

Il n’y a ni intelligence

ni création

 

 

 

 

Il faut lâcher pour saisir

Il faut musique pour la danse.

 

Mais lâcher au moment juste

bondir dans la justesse.

 

Se saisir du monde

Comme cause de soi.

 

De son existence

dans ce moment précis.

 

L’existence confirmée

par instants de beauté consciente,

immanence concertée,

nombres ployés.

 

L’exacte plénitude

de la libellule

à l’instant de la mue.

 

 

 

(Un) seul

haussé,

captif de la fêlure.

 

Captivé

par l’au-delà

possible.

 

Par ce chant des possibles

que libère

l’empoignement d’être soi.

 

La poignance d’être soi

forme et racines

corps et fêlure.

 

Plat-tane.

A plat dans le temps

désordre repu

et création monde.

 

Et soi, humaine créature

déterminée par les ans

et la fiction.

 

On nait dédoublé

…………………………

On survit dans le plusieurs (On pense seul, pourtant.)

 

L’empoignement d’être en soi

mais

de comprendre l’autre.

 

Lutte entre soi et sois(s)

Entre soie

et l’orage du sol racinaire.

 

Nous sommes ici,

d’autres ont été et nous traversent.

Pourtant l’ici et maintenant

seul nous frissonne

tel un accord plus exact

une beauté

convulsive, encordée.

 

Ces instants où l’on ne sait plus

ce qu’on sait

ce qui veut

ni qui l’on nait.